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Homélie de Mgr Vingt-Trois
Homélie du cardinal André Vingt-Trois – Messe pour les victimes de Saint-Étienne du Rouvray
Prions pour ce martyr
(La Croix du 27 juillet 2016)
Qu’est-ce qu’un martyr ?
Le mot martyr vient du grec martys, signifiant « témoin » : littéralement, le martyros est celui qui rend témoignage, selon l’appel de Jésus dans les Actes des Apôtres : « Vous serez mes témoins à Jérusalem, dans toute la Judée et la Samarie, et jusqu’aux extrémités de la terre » (Ac 1, 8).
C’est dans l’Apocalypse que le mot commence à désigner ceux qui ont témoigné jusqu’au don de leur vie : « Je vis sous l’autel les âmes de ceux qui furent égorgés à cause de la parole de Dieu et du témoignage qu’ils avaient porté » (Ap 6, 9).
Pour cette raison, les premiers chrétiens vont considérer que ceux qui ont versé leur sang pour le Christ parvenaient directement à la béatitude céleste, même s’ils n’avaient pas été baptisés. Ce que les Pères de l’Église appelleront le « baptême de sang ». « Ne soyez pas surpris que j’appelle le martyre un baptême. Tout comme ceux qui sont baptisés sont lavés dans l’eau, de même ceux qui sont martyrisés sont lavés dans leur propre sang », expliquera plus tard saint Jean Chrysostome (Panégyrique de sainte Lucie).
Jusqu’au IIIe siècle, les martyrs sont alors aussi bien ceux qui ont souffert pour la foi que ceux qui sont morts pour elle. À partir du IVe siècle, alors que les persécutions contre l’Église déclinent, le mot désigne uniquement ceux qui ont été tués – on parlera de « confesseurs » pour ceux qui ont souffert au nom de leur foi – et dont le souvenir reste vivace.
Comment l’Église reconnaît-elle le martyre ?
Pour l’Église, le fait de donner sa vie pour le Christ est la voie par excellence vers la sainteté. Dans les processus de béatification de l’Église catholique, la reconnaissance du martyre dispense d’ailleurs de celle d’un miracle.
L’Église mène donc une enquête rigoureuse sur la vie du futur bienheureux et son martyre. « La réputation de martyre est l’opinion répandue parmi les fidèles selon laquelle le Serviteur de Dieu a subi la mort pour la foi ou une vertu liée à la foi », résume l’instruction Sanctorum Mater publiée en 2007 par la Congrégation des causes des saints.
Subir la mort suppose donc une libre acceptation de celle-ci, mais pas de la rechercher. « Il n’y a pas lieu de féliciter ceux qui vont au-devant du martyre ; un tel zèle n’est pas évangélique », écrit l’auteur du Martyre de Polycarpe, dès le IIe siècle. « Chacun doit être prêt à confesser sa foi, mais personne ne doit courir au devant », ajoutera saint Cyprien de Carthage.
L’autre condition est que la cause de la mort doit être « la foi ou une vertu liée à la foi ». Il s’agit de la traduction actuelle de l’ancienne règle de l’Église selon laquelle le martyr devait avoir été « en haine de la foi ». S’il est « certes nécessaire de repérer des preuves irréfutables sur la disponibilité au martyre, écrivait Benoît XVI en 2006 à la Congrégation des causes des saints. Il est tout autant nécessaire qu’apparaisse directement ou indirectement, aussi d’une façon moralement certaine, la haine de la foi du persécuteur. » Or, soulignait-il, « les contextes culturels du martyre et les stratégies de la part du persécuteur, qui cherche toujours moins à mettre en évidence de façon explicite son aversion envers la foi chrétienne ou a un comportement connexe avec les vertus chrétiennes mais simule différentes raisons, par exemple de nature politique ou sociale, ont en revanche changé ».
Ainsi, Maximilien Kolbe (1894-1941), tué à Auschwitz en s’offrant à la place d’un père de famille, n’avait pas été béatifié comme martyr, en 1971 par Paul VI, mais sera canonisé comme tel par Jean-Paul II onze ans plus tard. De la même manière Edith Stein, carmélite déportée car d’origine juive, a été reconnue comme martyre. La récente béatification d’Oscar Romero ouvre aussi de nouvelles perspectives pour tous ceux qui ont été tués pour des raisons politiques, mais liées à leur engagement de foi.
En soulignant que le martyre peut avoir lieu à cause de « la foi ou une vertu liée à la foi », la Congrégation des causes des saints relève aussi d’autres formes de martyre. C’est ainsi que le P. Damien de Veuster, mort de la lèpre alors qu’il s’occupait des lépreux d’Hawaï a été proclamé « martyr de la charité » en 1995. De la même manière, l’Église reconnaît depuis les premiers siècles comme « martyres de la pureté » celles qui ont préféré la mort à la perte de leur vertu, comme sainte Maria Goretti (1890-1902) ou la bienheureuse Albertina Berkenbrock (1919-1931).
(La Croix du 27 juillet 2016)